Ils nous ont protégés pour que nous puissions aimer

Hier soir, je suis allée voir Indomptables, le dernier film de Thomas Ngijol. J’en suis ressortie pleine d’émotions, et le cœur plein de questions que je me suis déjà posées mille fois, et auxquelles j’ai déjà tenté de répondre. C’est un film drôle, doux, émouvant. Un film qui aborde les traumatismes avec tendresse, les héritages familiaux avec subtilité. Un film qui m’a ramenée en enfance. Et m’a replongée dans cette zone floue, entre gratitude et douleur, où résident nos souvenirs d’enfance.

Il y a une scène, dans ce film, que je n’oublierai pas. Le personnage principal, un père Camerounais, dit (je paraphrase) :
« Le plus important pour moi, c’est de protéger mes enfants. »
Et sa femme lui répond simplement :
« Le plus important, c’est de les aimer. »

Je suis restée suspendue à cette phrase.

Parce qu’elle dit tout.
Elle dit l’écart.
Elle dit la peur.
Elle dit l’héritage.

Et soudain, j’ai vu mon père.

Mon père n’était pas ce père mutique et dur comme dans le film. Mon père était affectueux à sa manière. Mais il nous a élevés avec autant de rigueur. Autant d’intransigeance. Autant de silences aussi. Il fallait être fort. Se tenir droit. Réussir. Ne pas pleurer trop fort, ni rire trop longtemps. Il fallait être préparé à la vie. Et aimer, ce n’était pas dire "je t’aime", c’était nourrir, loger, éduquer, encadrer. C’était veiller, souvent en silence. C’était protéger.

Et je confirme aujourd’hui à quel point cette protection était politique.

Lors de la session de questions-réponses après le film, Thomas Ngijol a dit une phrase qui m’a rappelé  mes cours de psycho-généalogie (je paraphrase encore):
"Beaucoup de nos parents ont vécu pendant la colonisation, ou juste après. Et ce sont les traumatismes vécus qui ont forgé leur carapace, et teinté la manière dont ils nous ont éduqués."

C’est exactement ça.
Ils ont élevé leurs enfants avec une peur viscérale.
Celle que le monde les broie.
Celle que la dignité soit toujours à arracher.
Celle que la survie ne soit jamais garantie.

Alors ils ont mis des murs.
Des règles.
Des silences.
Des injonctions.
Et au milieu de tout cela, leur amour.

Pas toujours visible. Pas toujours doux. Mais toujours là.

Aujourd’hui, j’élève mes enfants autrement.
Non pas parce que je suis meilleure.
Mais parce que je suis libre.
Libre de dire. Libre d’aimer. Libre de pleurer. Libre de guérir.

Je leur dis "je t’aime" aussi souvent que possible. Je leur parle. Je les écoute. Je leur dis quand j’ai peur. Quand je doute. Je leur montre que la vulnérabilité n’est pas un danger, mais un langage. Que l’amour ne fragilise pas, il construit.

Et pourtant, je continue à les protéger. Mais je le fais sans carapace.
Sans cette rigidité que mes parents croyaient nécessaire.
Je veux qu’ils soient forts, oui. Mais surtout qu’ils soient tendres.
Qu’ils sachent poser des mots là où nous avons appris à interpréter, puis à avaler les silences.
Qu’ils sachent aimer sans avoir besoin d’en être dignes.

Parce que nos parents nous ont protégés, pour que nous puissions aimer.
Et aujourd’hui, je leur rends hommage en aimant peut-être pas mieux, mais autrement

Ce que je fais n’est peut-être pas du travail

On m’a demandé récemment pourquoi je travaille.

Et j’ai pris le temps de réfléchir. Vraiment.

Parce que je ne voulais pas répondre par réflexe, par automatisme. Je voulais être juste. Avec moi. Avec la vie que je mène aujourd’hui.

Et la vérité, c’est que je ne crois pas que je travaille.

Pas dans le sens où on l’entend habituellement. Pas dans le sens des horaires fixes, des feuilles de temps, des performances à mesurer, des promotions à briguer.

Depuis mes derniers échecs professionnels — et il y en a eu, des lourds, des amers : des candidatures ignorées, des entreprises ratées, des projets qui n’ont jamais décollé — j’ai pris une décision radicale.

Je ne ferai plus que ce qui vient du cœur. Ce qui me traverse avec clarté, ce qui m’anime, ce qui me parle en silence.

Je ne veux plus travailler pour vivre. Je veux vivre en faisant ce qui a du sens.

Alors, j’ai mis de côté l’obsession du chiffre, du salaire, du rendement.

Et je me suis autorisée à créer autrement.

Je fais moins, oui. Parce que j’ai moins de moyens pour financer mes idées, mes intuitions, mes élans.
Mais je fais mieux. Parce que je le fais en étant alignée. En étant entière.

J’avance à mon rythme.
Et dans ce rythme, j’ai de la place pour mes enfants. Pour leurs rires, leurs questions, leurs silences.
J’ai de la place pour moi aussi, pour me reposer, me recentrer, me réinventer.

Je suis sortie de la course. Celle qu’on appelle réussite, mais qui ressemble parfois à une fuite.

Cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’ambitions. Ni que je refuse les opportunités.

Cela veut juste dire que mes objectifs ne sont plus les mêmes.
Mes KPIs ont changé. Mon calendrier aussi.
Je n’opère plus selon des trimestres, mais selon mes saisons intérieures.

Alors, est-ce que c’est encore du travail ? Je ne sais pas.

Mais je sais que c’est vivant. Et que ça me tient debout.
Et c’est tout ce qui compte.

Nous marchions déjà l’un pour l’autre

Il m’arrive souvent de capter des vérités profondes dans les moments les plus simples — une phrase entendue à la volée, une interview, une chanson. Cette fois, c’est en écoutant le chanteur franco-camerounais Yame sur le plateau de Clique, rendant hommage à son père musicien, que quelque chose en moi s’est réveillé. Une réflexion douce-amère sur les rêves transmis, les trajectoires familiales, et ces liens invisibles entre les âmes.
Ce texte est né de là.
D’un frisson.
D’une mémoire peut-être plus ancienne que la mienne.

Je regardais donc Clique.
Yame y parlait.
Jeune chanteur franco-camerounais, voix douce et regard sûr.
Il racontait son père.
Un homme discret, chanteur lui aussi. Camerounais, passé inaperçu.
Une carrière musicale à peine effleurée, des galères à répétition, deux enfants élevés avec la force de ceux qui n’ont jamais cessé d’y croire.

Et en l’écoutant, quelque chose s’est noué en moi.
Pas de la tristesse.
Une forme de reconnaissance.

Parce que… et si ce père n’avait pas échoué ?
Et si ce que l’on nomme « rêve raté » n’était que le commencement d’une histoire plus vaste ?
Une introduction. Une graine. Un chant transmis sans l’avoir su.

On répète souvent aux parents de ne pas vivre à travers leurs enfants.
De les laisser tracer leur propre route.
De ne pas projeter.

Et bien sûr, c’est vrai.
Le contrôle, les rêves imposés, les vies étouffées… on connaît.
Mais parfois, dans certaines familles, ce n’est pas de la projection.
C’est de la transmission.

Et si l’enfant ne faisait que reprendre un fil laissé en suspens ?
Pas par devoir. Par résonance.
Et si ce chemin qu’il suit si naturellement avait été pressenti par l’âme bien avant la naissance ?

Dans certaines traditions spirituelles, on parle de familles d’âmes.
Des êtres qui reviennent ensemble, vie après vie, pour s’aimer, se défier, se réparer, se guider.

Et si le père de Yame portait ce rêve-là pour son fils —
non parce qu’il voulait réussir à travers lui,
mais parce qu’il était le gardien du chant jusqu’à ce que la voix juste arrive ?

Le fils n’efface pas le père.
Il l’honore.
Il élève ce qui avait été semé dans le silence.

Et si c’était ça, la réussite transgénérationnelle ?
Non pas courir plus vite que ceux d’avant,
mais compléter leur geste.

Ce n’est pas romantiser la difficulté.
Ce n’est pas enjoliver la pauvreté ou l’échec. C’est reconnaître la dimension spirituelle de la transmission.
Reconnaître qu’un rêve peut être trop vaste pour tenir dans une seule vie.
Qu’il faut parfois deux, trois, dix existences pour qu’un chant s’incarne.

Le père de Yame a chanté, oui.
Sans succès commercial. Sans carrière éclatante.
Mais il a chanté.
Et c’est ce souffle-là que son fils porte aujourd’hui — libre, fort, juste.

Nous devons cesser de croire que les destins sont individuels.
Les lignées aussi chantent.
Parfois, un père prépare.
Un fils révèle.
Et tous deux avancent, main dans la main, même si les chemins semblent éloignés.

Alors non, tous les parents ne projettent pas leurs rêves.
Certains les offrent.
Certains vivent pour que leurs enfants n’aient plus à survivre.

Et c’est peut-être ça, la grâce.
Un chant d’avant, repris par une voix nouvelle.
Une offrande qui prend enfin racine.

Et si j’étais déjà riche ?

Pendant longtemps, j’ai cru que l’argent me permettrait d’atteindre quelque chose. Un ailleurs. Une version plus pleine, plus libre, plus légère de moi-même. Je l’ai poursuivi avec cette impression familière (presque universelle) qu’il me manquait quelque chose.

Et puis un matin, en pensant à ma vie, à mes fils, à mon travail, j’ai réalisé ceci : je vis déjà une grande partie de ce que je croyais que l’argent allait m’offrir.

L’argent peut acheter la liberté.

Mais je suis libre. Libre d’être exactement la femme que je veux être. Libre de faire un travail qui me ressemble, qui fait sens pour moi. Je ne suis pas enfermée dans un rôle, ni dans une fonction, ni dans une vie qui m’étouffe.

L’argent peut acheter du temps.

Et pourtant, j’ai ce luxe immense d’avoir du temps pour mes enfants. Du vrai temps. Pas des miettes volées entre deux réunions ou deux obligations. Du temps présent, enraciné, offert. Mon mari me le disait encore récemment : c’est une chance rare, ce privilège de pouvoir accompagner nos fils dans leur adolescence en étant pleinement là.

L’argent peut acheter la santé.

Je vis dans un pays où j’ai accès aux soins, où je peux me nourrir correctement, où la médecine est accessible. Et je suis en bonne santé.

Alors pourquoi ce besoin si fort de gagner plus, toujours plus ?

Je n’ai pas besoin d’argent pour être libre.

Je n’ai pas besoin d’argent pour être présente.
Je n’ai pas besoin d’argent pour exister.

Mais j’en ai besoin, oui.
Pour couvrir mes dépenses quotidiennes. Pour voyager. Pour investir en moi, dans ma famille, dans mes projets. Pour soutenir les causes qui me tiennent à cœur. Pour créer. Pour bâtir. Pour respirer avec plus de légèreté.

Ce n’est pas une course. Ce n’est plus une course. Ce n’est pas une quête depuis un manque. C’est une recherche d’équilibre. Une envie de sécurité, d’ancrage, de stabilité.

Et surtout, c’est un rappel que je ne pars pas de rien. Je pars déjà du plein. D’un plein d’amour, de liberté, de temps et de santé. D’un plein de sens.

Et si le vrai travail, ce n’était pas de courir après l’argent, mais de se souvenir que nous sommes déjà riches — et de bâtir à partir de là ?

Et si c’était juste notre ego qui jouait ?

Une méditation lucide sur le désir, le vide, et la place que l’ego occupe dans nos vies.

Mes enfants sont en vacances.
Ils rentrent demain.
Alors aujourd’hui, j’ai rangé la maison. Nettoyé un peu, déplacé deux trois choses, remis de l’ordre.

Et en préparant leur retour, une pensée m’a traversée, discrète mais tenace :
Que se passerait-il si je n’étais pas là demain ?

Pas de drame dans cette question. Aucune tristesse, aucune urgence. Juste une forme de lucidité calme.
Et ce que j’ai ressenti, ce n’est pas la peur, ni la panique. C’est une vérité nue :
Si je suis encore vivante, c’est pour eux.
Pas parce que je pense que ma vie est importante en soi.
Mais parce qu’ils existent. Et pour maintenant, ils ont encore besoin de moi.

Peut-être que rien de ce que nous faisons au quotidien n’a de réelle importance.
Que l’être humain, pris individuellement, ne compte pas tant. Nos pensées, nos ambitions, nos états d’âme : tout cela passe.

Si nous faisons partie d’un Tout plus vaste, alors pourquoi avoir peur du vide ?
Pourquoi vouloir absolument laisser une trace ? Être utile ? Se faire remarquer ?

Et si nous étions juste des âmes en passage, incarnées pour un moment, dans une forme donnée, avant de retourner ailleurs ?
Alors ce que je suis aujourd’hui n’a rien de définitif. Ce que je fais n’est pas si crucial.
Et cette vérité-là, loin de me troubler, m’apaise.

Je n’ai pas peur de la mort. Pas peur de mourir.
Je n’éprouve ni désir de disparition, ni tristesse existentielle. Juste une sorte de lucidité posée.
Je ne crois pas que tout ça soit si sérieux.

Parfois je me sens spectatrice. Comme si je regardais la vie sans y être totalement prise.
Peut-être que c’est pour ça que je perçois si nettement les failles des systèmes.
Je vois le monde comme une pièce de théâtre bien rodée, où chacun joue son rôle avec ferveur.
Moi, j’observe la scène. Et je me dis : peut-être qu’ailleurs, une autre pièce se joue.

Cela ne signifie pas que je rejette la vie.
Cela signifie seulement que je la regarde depuis un autre angle. Avec une certaine distance. Une extralucidité peut-être.
Je n’émets pas de jugement. Je ne cherche pas à convaincre.
Je dis juste ce que je ressens.

Et ce que je ressens aussi, c’est que la plupart de ce que nous faisons vient d’une partie précise de nous : l’ego.

L’ego, ce n’est pas un ennemi. Ce n’est pas une erreur.
C’est une construction. Une fonction. Une interface entre le monde et notre besoin de nous situer.
Il nous raconte une histoire dans laquelle nous sommes quelqu’un.

C’est lui qui dit : “je veux”, “je dois”, “je mérite”.
C’est lui qui compare, qui ambitionne, qui juge.
C’est lui aussi qui pleure, parfois non pas parce qu’il souffre vraiment, mais parce qu’il sent qu’il pourrait cesser d’exister.

Vouloir un enfant, vouloir réussir, posséder, corriger, transmettre… ce ne sont pas des actes condamnables.
Mais souvent, ils sont initiés par l’ego.
Par cette partie de nous qui refuse l’idée de n’être qu’un souffle.
Cette partie qui panique face à l’insignifiance.

Même notre besoin de juger les autres — ceux qui veulent moins, qui agissent différemment — vient de là.
Parce que si d’autres peuvent vivre en dehors de ce jeu, alors peut-être que notre propre désir n’est pas universel.
Et ça, l’ego ne le supporte pas.

Car au fond, l’ego remplit le vide.

Ce vide que l’on fuit.
Celui qui surgit quand plus rien ne presse.
Quand la maison est silencieuse. Quand personne ne nous regarde. Quand il n’y a rien à vouloir.

Et on croit que si l’ego se tait, alors on va disparaître.
Alors on le laisse tout occuper.
Il devient notre narrateur. Notre façade. Notre centre.

Même quand il nous épuise, on le garde. Parce qu’au moins, avec lui, on se sent exister.

Mais parfois, une brèche s’ouvre.
Un souffle passe.
Et une voix intérieure murmure :
Et si je n’étais pas ce que je veux ? Ni ce que je fais ?
Et si je pouvais juste être là, sans rôle, sans objectif, sans défense ?

Alors, peut-être, un autre espace s’ouvre.
Moins bruyant. Moins chargé.
Un espace dans lequel on respire autrement.
Un peu plus libre.

“Ce n’est pas si grave.”

Ce n’est pas du détachement froid.
Ce n’est pas de l’indifférence.
C’est juste une manière différente d’être au monde,
quand on cesse de croire que tout repose sur nous.

Intention...alité

Le pouvoir de l’intentionalité

Faire les choses avec intentionalité, ce n’est pas simplement avoir une intention. Ce n’est pas dire « je veux réussir » ou « je veux guérir ». C’est beaucoup plus vaste, plus ancré.
C’est une manière d’être au monde. Une posture intérieure. Une orientation silencieuse de tout l’être.

L’intentionalité, c’est cette conscience diffuse, parfois muette, qui colore nos gestes, nos choix, nos silences. C’est l’espace intérieur depuis lequel nous décidons, agissons, créons. C’est ce qui précède même l’intention.

Faire les choses avec intentionalité, c’est être présent à soi. C’est s’habiter. C’est accueillir chaque étape, chaque détour, chaque pause, en se demandant : est-ce que cela me ressemble ? Est-ce que cela m’honore ? Et parfois, choisir d’avancer quand même, même si ce n’est pas parfait, mais le faire en pleine conscience.

L’intentionalité nous invite à ralentir. Elle nous donne la permission de prendre le temps, d’occuper l’espace, d’habiter pleinement notre propre rythme. Elle rend le processus vivant, vibrant, habité. Et chaque victoire, même minuscule, devient une célébration. Parce qu’elle a été traversée avec présence.

Vivre avec intentionalité, ce n’est pas contrôler. C’est ressentir. C’est écouter. C’est marcher dans le monde avec une boussole intérieure bien ancrée, même quand le chemin est flou.

C’est une forme de vérité. Une forme de tendresse aussi.

Vivre avec intentionalité — comme mère, comme femme d’affaire

Ce n’est pas toujours évident de vivre avec intentionalité quand on est mère et cheffe d’entreprise.
Le monde va vite. Tout le monde veut une réponse immédiate, une décision rapide, une disponibilité totale. Et parfois, j’ai cette sensation étouffante : celle d’être attendue, sollicitée, tirée dans toutes les directions à la fois.

Mais vivre avec intentionalité, c’est refuser de se laisser happer.

C’est accepter que certaines choses prennent du temps.
C’est choisir de ne pas répondre à un mail dans l’urgence, de laisser passer 24 ou 48 heures si nécessaire. Pas par désinvolture, mais parce que je tiens à répondre depuis un espace aligné, clair, serein.

C’est aussi ralentir le rythme des affaires, quand il le faut.
Je prends le temps d’observer avant d’agir. D’écouter ce que je ressens face à une proposition. D’interroger mes intuitions. J’explore avant d’investir. Je ressens avant de signer. Je choisis mes partenaires avec soin, parce que chaque engagement est une extension de moi.

Et dans ma maternité, l’intentionalité devient écoute profonde.
C’est m’ajuster au rythme de mes enfants, comme je protège le mien.
C’est apprendre à me taire, à vraiment les entendre.
C’est leur transmettre que leur voix compte, que leur tempo est juste, qu’ils n’ont pas à suivre la cadence du monde si elle les éloigne d’eux-mêmes.

Vivre avec intentionalité, c’est faire le choix du sens plutôt que de la vitesse.
Ce n’est pas renoncer à l’ambition, c’est la redéfinir.

Et pour moi, c’est ça, réussir.

Spiritual Re-engineering : Reprogrammer sa vie spirituelle après l'effondrement

1. Désapprendre : Faire tomber les fondations imposées

Objectif : Identifier et déconstruire les croyances spirituelles héritées qui génèrent culpabilité, soumission, ou immobilisme.

Exemples de croyances à désapprendre :

  • La souffrance est une preuve de foi.

  • Dieu ne t’écoute que si tu es dans l’obéissance.

  • Tu dois mériter la bénédiction par ton endurance.

  • Douter est un péché.

  • Être autonome, c’est être orgueilleux.

Pratiques associées :

  • Écriture libératrice : “Quelles sont les croyances que j’ai intégrées sans les interroger ?”

  • Cartographie de l’origine des croyances : familiale, religieuse, coloniale, sociale…

  • Questionnement radical : Et si ce que j’ai appris de Dieu n’était pas Dieu ?

2. Réancrer : Trouver de nouveaux appuis spirituels dans la réalité présente

Objectif : Offrir à l'esprit un terrain solide pour qu’il ne reste pas suspendu dans le vide après la déconstruction.

Axes d’ancrage possibles :

  • Le corps : le ressenti comme premier espace sacré. Ce que je sens, ce que je traverse, est valide.

  • La joie : non pas comme récompense future, mais comme boussole actuelle.

  • La vérité intérieure : développer sa propre éthique spirituelle.

  • La présence communautaire : retrouver des espaces sûrs où l’on peut croire autrement.

Pratiques associées :

  • Méditation de ré-ancrage : “Où suis-je en sécurité aujourd’hui ?”

  • Prière réécrite : créer sa propre invocation.

  • Dialogue avec son enfant intérieur : “Qu’est-ce que j’aurais aimé qu’on me dise de Dieu à 10 ans ?”

3. Réinventer : Créer un système spirituel qui soutient la vie, la dignité et la liberté

Objectif : Forger des repères, symboles et rituels qui répondent aux besoins réels de l’âme : sécurité, autonomie, reliance, espérance.

Axes de réinvention :

  • Le rapport à la divinité : Dieu comme allié, non comme juge.

  • Le rapport au temps : la lenteur comme espace de révélation, pas de punition.

  • Le rapport à soi : je suis digne, même quand je ne produis rien.

  • Le rapport à la transcendance : je suis autorisée à créer du sens.

Pratiques associées :

  • Création d’un autel personnel (même symbolique) : objets, mots, souvenirs qui soutiennent.

  • Rituel de passage : pour clore une croyance et en appeler une autre.

  • Spiritualité incarnée : cuisiner, marcher, danser comme actes spirituels.

Pourquoi “re-engineering” ?

Parce qu’il ne s’agit pas juste de “croire autrement”. Il s’agit de réarchitecturer l’intérieur :

  • Avec lucidité.

  • Avec tendresse.

  • Avec souveraineté.

Et surtout : avec le droit inaliénable de redéfinir ce qui est sacré pour soi.

Reprogrammer l’intérieur : et après le désapprentissage ?

Désapprendre ne suffit pas.
Une fois la croyance démontée, le vide s’installe. Et dans ce vide, le cerveau cherche un nouvel appui. Une nouvelle vérité. Un nouveau mythe capable de tenir le chaos.

Car oui, le chaos existe.

Perdre un parent. Ne plus avoir de revenu. Porter seul le poids de toute une famille. Ne pas savoir si demain sera vivable.

Je ne peux pas nier que ces expériences m’ont abîmée. Elles ont fracturé mes repères. Elles ont planté des graines d’anxiété dans les interstices de mon quotidien. Elles ont eu des conséquences très concrètes. Très matérielles. Très dures.

C’est pourquoi il est difficile, presque violent, de chercher un sens à tout cela.

Mais je sens pourtant, dans ma chair, que je ne peux pas rester suspendue dans le vide. Je ne veux plus me raccrocher à des dogmes. Mais j’ai besoin d’un langage. D’une boussole. D’un socle intérieur.

Alors je tente autre chose.

Je ne dis plus : qu’est-ce que cette épreuve veut m’enseigner ?

Je me demande : qu’est-ce qu’elle vient révéler ?
Quelle partie de moi cherche à émerger, malgré la douleur ?
Quelle porte cette crise m’oblige à regarder en face ?

Je me suis longtemps sentie coincée entre deux extrêmes :

  • d’un côté, le fatalisme religieux qui voit dans chaque douleur une volonté divine

  • de l’autre, la pensée magique qui transforme tout en opportunité avec un sourire forcé

Moi, je cherche l’espace du milieu.
Celui où l’on reconnaît la brutalité de l’expérience, tout en refusant d’en faire le cœur de notre identité.

Je crois qu’il est possible de construire une spiritualité qui ne soit ni soumission, ni déni.
Une spiritualité d’écoute.
Une spiritualité de ré-ancrage.

Ce que j’appelle spiritual re-engineering, ce n’est pas un nouveau système de croyance.
C’est une ingénierie intérieure.
Un réagencement de mes propres fondations.

Je crée un espace mental et spirituel où les difficultés ne sont plus des sanctions, ni des tests, mais des miroirs.
Elles me montrent là où ça coince. Là où je suis encore en attente. Là où j’ai besoin d’aide, de soutien, de changement.

Parfois, elles me montrent que je ne peux pas continuer comme avant.

Et dans cet effondrement, elles ouvrent la possibilité d’autre chose. Une version de moi moins dans le contrôle, plus dans l’accueil. Une version de moi qui ose demander. Qui ose dire j’ai besoin de douceur. J’ai besoin d’aide. J’ai besoin de repos.

Je ne sais pas si c’est Dieu qui m’envoie ces épreuves.
Mais je sais que je ne veux plus vivre dans une spiritualité qui m’empêche de pleurer, de crier, ou de douter.

Aujourd’hui, je cherche des appuis plus tendres.

Des rituels simples.
Des phrases qui apaisent.
Des présences qui élèvent.

Je m’autorise à reconstruire ma foi comme on répare une maison ancienne : en gardant ce qui tient debout, en remplaçant ce qui s’effondre, en laissant entrer plus de lumière.

Et peut-être que c’est ça, reprogrammer le spirituel :
refuser les narratifs hérités,
inventer les miens,
et oser croire que Dieu peut aussi s’écrire en moi.

Je refuse de croire en un Dieu qui abandonne ses enfants

Il y a des leçons que j’ai apprises dans la douleur … mais l’obéissance aveugle n’en fait pas partie.

Les trois dernières années m’ont dépouillée.
J’ai perdu mon père.
J’ai perdu mes repères.
J’ai perdu cette illusion fragile qu’en travaillant dur, en persévérant, les choses finissent toujours par s’arranger.

Mes entreprises ont survécu sans vraiment vivre.
Ma quête d’emploi est devenue une traversée du désert.
Et derrière moi, il y avait ma famille. Qui espérait. Qui attendait. Qui comptait sur moi pour tenir, pour ramener la lumière.

Je connais le goût de la dépression.
Je l’ai gardé en bouche comme du métal froid.
Je l’ai combattue avec les armes de fortune qu’il me restait: des rituels minuscules, un espoir têtu, des prières sans grande attente.

Je ne reproche pas à la vie d’être dure.

Mais ce que je ne peux accepter, ce à quoi je ne me soumettrai jamais, c’est cette violence spirituelle qui voudrait faire de la souffrance un projet divin.

On m’a raconté l’histoire de Job.
L’homme qui a tout perdu, pour prouver sa foi.
Un pari céleste, une mise en scène cruelle.
Les gens aiment citer Job comme un modèle de persévérance.

Moi, je lis Job et je vois un abus spirituel.

Parce que quel parent digne de ce nom regarde son enfant sombrer, et appelle cela une leçon de vie ?

Pas moi.
Pas le parent que je suis.
Pas le Dieu auquel j’ai envie de croire.

Je ne sais pas à quel moment cette théologie s’est glissée dans nos veines.
Cette idée que pour mériter la joie, il faut d’abord ployer sous le poids de l’épreuve.
Qu’il faut supplier longtemps.
Qu’il faut se taire longtemps.
Qu’il faut souffrir longtemps.

Mais je sais que cela ne vient pas de nous.

Cela vient de l’histoire qu’on nous a volée.

De nos cosmologies qu’on a brisées.
De nos spiritualités arrachées, remplacées par une foi de soumission, de contrôle, d’effacement de soi.

Et nous avons courbé l’échine si longtemps que cela nous semble presque naturel.

Mais ce ne l’est pas.

Je suis fatiguée de prier comme on implore un geôlier.

Fatiguée d’être sommée d’attendre, sans fin, un miracle hypothétique.

Fatiguée des théologies qui font de nous des mendiants spirituels.

Je crois en Dieu.

Mais pas en un Dieu qui abandonne.

Pas en un Dieu qui a besoin de me briser pour me bénir.

Pas en un Dieu qui confond humiliation et sainteté.

Alors je désapprends.

Je désapprends la foi coloniale de la rareté et de la douleur.

Je désapprends la doctrine des salles d’attente et des portes fermées.

Je désapprends le silence honteux qui nous interdit de demander : Quel parent laisserait son enfant souffrir ainsi ?

Et je me souviens.

Je me souviens que je viens d’un peuple qui a rencontré Dieu dans les rivières, dans les tambours, dans le rire.

Un peuple qui n’avait pas besoin d’être brisé pour être béni.

Un peuple dont les prières n’étaient pas des murmures apeurés, mais des chants de gratitude.

Je n’ai pas toutes les réponses.

Mais je sais ce que je ne ferai pas :
Je n’enseignerai pas à mes enfants que Dieu est une épreuve à surmonter.

Je leur enseignerai qu’ils sont aimés — ici, maintenant, sans condition.

Et peut-être que c’est tout ce dont ma foi a besoin, aujourd’hui.

Le prix de l’éveil

Parfois, j’aimerais savoir moins de choses aujourd’hui qu’hier.

Ce n’est pas un vœu glorieux. Ce n’est pas noble. Mais il me traverse souvent. Surtout la nuit. Quand les nouvelles s’enchaînent sans répit. Quand les chiffres défilent. Quand la douleur du monde devient trop lourde à porter.

Parfois, je regarde l’état des choses et je me surprends à vouloir désapprendre. Oublier. Devenir imperméable.

La spiritualité peut être une lumière. Une force. Une boussole. Mais elle est aussi un fardeau. Parfois, j’aimerais ne pas être si connectée à l’invisible. Ne pas sentir l’épuisement collectif qui flotte dans l’air. Ne pas deviner les murs vers lesquels l’humanité court les yeux fermés.

L’empathie est sacrée. Oui. Mais elle épuise. Elle élargit les failles. Elle rend poreux à tout. La curiosité aussi. Elle pousse à comprendre quand l’ignorance aurait permis de se reposer.

J’aimerais ne pas aimer autant la géopolitique. Ne pas voir les ficelles. Ne pas deviner les logiques qui se répètent, les systèmes qui s’effondrent en silence sous des récits de progrès factices.

Et puis il y a l’intelligence artificielle. Outil fabuleux. Outil dangereux. Outil que j’utilise chaque jour. Qui me fait gagner du temps, de l’énergie, des idées. Mais je sais. Je sais ce que ça coûte. Les serveurs. L’énergie. L’impact invisible. On n’est pas si écologique qu’on veut bien se le raconter.

Parfois, j’aimerais être moins... présente. Moins lucide. Moins ici.

On dit que le savoir est un pouvoir. Oui, sans doute. Mais parfois (juste parfois) le savoir est une malédiction.

Car savoir, c’est porter.
Porter, c’est sentir.
Sentir, c’est souffrir un peu.

Et pourtant je suis là. Eveillée. Vivante. Un peu trop éveillée peut-être. Mais là quand même.

Demain, peut-être que je demanderai plus. Plus de clarté. Plus de vision. Mais aujourd’hui ?
Aujourd’hui je voudrais juste un peu d’ignorance. Un peu de paix dans le fait de ne pas savoir.

La guerre commerciale n’a jamais été contre la Chine: Elle est contre nous — et contre ce que nous sommes prêts à payer

Cela fait des semaines que j’observe tout ça. En silence.

Pendant qu’on nous occupe avec des discours sur les droits de douane, la souveraineté économique, la protection des industries locales… autre chose se joue ailleurs.

Dans nos fils d’actualité.
Dans nos paniers d’achat.
Dans nos réflexes de consommateurs.

Ce n’est pas une guerre commerciale. C’est un jeu de miroirs.

Et il faut bien le dire : à ce jeu-là, la Chine ne fait que nous renvoyer notre propre reflet.

La vraie question, c’est : est-ce qu’on est prêts à le regarder en face ?

Trump a vendu aux Américains l’idée que cette guerre commerciale visait à protéger les emplois. A ralentir l’hégémonie chinoise et/ou d’autres blocs de pays. A rééquilibrer les échanges.

Mais plusieurs jours et semaines après les annonces des premiers tarifs imposés par les États-Unis sur les produits chinois (ou provenant d’autres pays), un constat s’impose : ce n’est pas la Chine qui vacille. C’est notre modèle.

Parce qu’il faut le reconnaître : personne n’utilise les outils du capitalisme aussi bien que la Chine.

Une guerre des biens… mais surtout de l’information

Avez-vous remarqué ? Depuis quelques jours, les réseaux sociaux débordent d’informations sur les prix de fabrication des produits en Chine.

Tout y passe : produits de luxe, vêtements, accessoires, gadgets électroniques, objets du quotidien.

Est-ce que ces informations sont toujours exactes ? Peut-être pas.

Mais ce n’est même plus le sujet.

Le sujet, c’est l’effet produit. C’est la réaction des consommateurs. C’est cette petite voix qui nous dit : “Pourquoi payer 50€ ici ce qui coûte 3€ là-bas ?”

C’est notre propre système qui se retourne contre nous.

La Chine maîtrise nos déclencheurs

Ce que cette guerre commerciale révèle surtout, c’est que la Chine ne défie pas les règles du capitalisme : elle les applique à la lettre.

Elle connaît nos failles :
— notre obsession du prix bas,
— notre impatience,
— notre besoin de consommer toujours plus, toujours plus vite.

Elle a industrialisé l’économie mondiale. Elle a digitalisé la chaîne logistique. Elle a appris à parler notre langue : celle de la tentation permanente.

Et c’est là que la bataille se joue.

Pas dans les chiffres des douanes. Pas dans les discours politiques.

Mais dans nos comportements les plus ordinaires.

Le miroir qu’on refuse de voir

Au fond, cette guerre n’a jamais opposé capitalisme et communisme.

Elle oppose le capitalisme… à lui-même.

Et nous place face à une question simple et brutale :

Si notre seul critère d’achat reste le prix le plus bas, peut-on vraiment reprocher à la Chine de nous le fournir ?

Peut-on reprocher à un système d’optimiser exactement ce qu’il a été conçu pour produire ?

Je n’écris pas ça pour défendre la Chine ou quelconque autre pays.

Je veux juste nommer les choses. Pour regarder les systèmes en face. Pour rappeler que dans cette histoire, le problème n’est pas là-bas.

Le problème est ici.

Dans notre manière de consommer.
Dans notre manière de désirer.
Dans notre refus de questionner un modèle qui nous a rendus dépendants de l’abondance facile.

La Chine n’a pas gagné cette guerre.

C’est nous qui sommes en train de la perdre.

Parce qu’à force de vouloir tout, tout de suite, au prix le plus bas…
On a oublié que la vraie valeur a un coût.

Et qu’elle ne se fabrique pas à la chaîne.

Des Hot-dogs Plutôt Que la Guérison : Pourquoi Préfère-t-on Financer des Fêtes Plutôt Que du Sens

Je me souviens de ce jour comme on se souvient d’un bleu.
J’organisais TEDxCadjehounWomen, une scène pensée pour amplifier la voix, la vision et la puissance des femmes africaines. Des semaines à frapper aux portes, à envoyer des présentations, à pitcher du sens à des gens qui semblaient ne pas l’entendre. Certains souriaient poliment. D’autres disparaissaient. Beaucoup me demandaient de prouver une “visibilité” qu’ils avaient déjà, ou un “retour sur investissement” que l’on ne mesure pas avec des likes, mais avec des frissons ou des silences habités.

La veille de notre événement, un concert s’annonçait en ville.
Les billets sont partis comme des petits pains. Pas de pitch. Pas de dossier. Juste du son et des promesses de “bonne ambiance”. Et les sponsors ?
Les mêmes qui ne m’avaient jamais répondu étaient soudainement disponibles, affiches prêtes, gobelets brandés en main.

Je l’ai vécu encore plus tard.
Avec Afrolivresque, notre média dédié à la littérature africaine, je suis dans les tranchées. Convaincre que les livres écrits par des Africains pour des Africains comptent. Que la culture, ce n’est pas un luxe. Cette semaine encore, l’une des entreprises que j’avais sollicitée a sponsorisé une fête géante à Washington DC.

Soyons clairs : je ne suis pas contre la musique, la joie, ou les fêtes.
Mais il faut qu’on parle de ce qu’on choisit de financer, et de ce qu’on laisse mourir de soif.

On vit dans un monde où l’on vend l’amusement comme du popcorn, et où l’on peine à faire passer l’éducation. Ce n’est pas qu’une question de goût. C’est une question de priorités.

L’entertainment promet un répit. Un souffle. Un beat.
L’éducation pose des questions. Parfois celles qui dérangent. Elle invite à réfléchir, à se souvenir, à se repositionner.

Alors on choisit la facilité. On dit oui au concert, non à la conscience collective. Parce qu’il est plus simple de danser que de creuser. Plus facile d’oublier que d’affronter. Plus rentable de financer des fêtes que d’alimenter la libération.

Oui, c’est de l’évasion.
Mais c’est aussi plus profond que ça. C’est le symptôme d’un monde qui préfère la distraction à la profondeur. Qui traite la guérison, la mémoire, la littérature comme des “bonus”.
Un monde qui refuse encore de voir le savoir africain comme central.
Qui oublie que chaque révolution a commencé par une histoire, pas par une story.

Il y a une violence dans ce qu’on choisit d’ignorer.
À chaque fois qu’un bailleur de fonds tourne le dos à une initiative de santé mentale pour sponsoriser un cocktail mondain, c’est le silence qu’il choisit.
À chaque fois qu’on demande à des créateurs africains de réduire leur vision pour “mieux coller aux attentes”, pendant que le champagne coule ailleurs — c’est un choix politique.

L’ignorance est peut-être un confort.
Mais de qui ? Et à quel prix ?

On ne peut plus danser au bord du gouffre en fermant les yeux.
On ne peut plus continuer à appeler “stratégie” ce qui n’est que divertissement.

Il nous faut des partenaires courageux.
Des mécènes avec de la mémoire.
Des alliés qui comprennent que le repos ne se trouve pas que sur une piste de danse, et que la transformation demande plus qu’une playlist.

Alors oui, dansons.
Mais investissons aussi dans ceux et celles qui construisent du sens, pas juste de l’ambiance.
Parce que le monde n’a pas besoin de plus de bruit. Il a besoin de plus de conscience.

Et certains d’entre nous ne sont pas venus pour distraire.
Nous sommes venus pour réveiller.

Élever des enfants lucides: Transmission politique et culturelle

Hier soir, mes enfants et moi avons eu une discussion autour des récents événements politiques mondiaux. Le ton était passionné, et quelque chose en moi s’est soudainement souvenu : ces débats qui ont forgé mon propre regard sur le monde avaient aussi lieu à notre table, quand j’étais enfant. Les adultes parlaient, nous écoutions. Et sans toujours tout comprendre, nous intégrions, lentement, les lignes d’un éveil.

Chez nous, très tôt, on parlait du rôle des femmes dans la société. Très tôt, j’ai compris (parfois confusément) qu’il y avait des injustices, des rapports de domination, des combats nécessaires. Mes parents m’ont mis Une si longue lettre de Mariama Bâ entre les mains quand j’avais 12 ans. J’en ai saisi peu, peut-être, mais j’ai été traversée par quelque chose d’essentiel : la voix d’une femme africaine qui disait l’intime et le politique dans une même phrase.

J’ai su ce qu’était le racisme sans l’avoir encore vécu. J’ai été (r)éveillée très tôt. Et aujourd’hui, c’est ce même (r)éveil que je tente de transmettre à mes enfants.

Parce que lorsqu’on est africain, lorsqu’on est jeune, on ne peut pas se permettre de grandir sans conscience politique ni bagage culturel. Les enjeux sont trop importants, trop nombreux. Le monde ne nous attend pas. Et souvent, ceux qui nous dirigent ne parlent pas notre langue intérieure : ils manient les codes du capitalisme comme unique horizon, et leur culture est celle de la domination, pas de la libération.

Alors, autour de la table, on décortique. On nomme les choses. On lit (on essaie). On se dispute aussi. Mais surtout, on apprend à penser. À relier les points. À sentir les liens entre ce qui se passe ici et là-bas, entre ce qui semble lointain et ce qui nous touche directement.

Ce n’est pas une posture militante, c’est une hygiène de vie. La culture profonde des systèmes, la compréhension des dynamiques d’oppression, de privilège, d’histoire, c’est une clef de lecture du monde, mais aussi une clef de libération. Et elle s’offre, elle se transmet, dès le plus jeune âge.

Je ne cherche pas à faire de mes enfants des encyclopédies militantes. Je veux en faire des êtres lucides, sensibles, enracinés. Des humains capables de voir au-delà de la surface, d’identifier les structures, de choisir leurs batailles. Et de le faire, toujours, avec une conscience aiguë de qui ils sont et d’où ils viennent.

C’est autour de la table que cela commence souvent. Et peut-être que, plus tard, ils se souviendront eux aussi de ces soirs-là. Avec tendresse. Et une étincelle dans le regard.

Manifeste de l’Abondance Par une femme africaine consciente de sa valeur

Je ne suis pas née pour mendier les miettes d’une table que j’ai contribué à bâtir.
Je suis née pour m’asseoir à cette table, ou la renverser, s’il le faut.
Je revendique mon droit à l’abondance, non comme un luxe, mais comme une nécessité,
non pour l’excès, mais pour l’équilibre, la justice et la dignité de ma lignée.

Je crois que la richesse est un outil.
Tranchant. Sacré.
Elle peut bâtir des hôpitaux ou des prisons,
éduquer ou effacer,
élever des communautés ou les enfouir sous le béton et les dettes.
Je choisis de la manier avec intention,
guidée non par la cupidité, mais par la vision.

Je rejette l’évangile de la culpabilité.
Je rejette ces voix qui prétendent que désirer plus est un péché,
que la souffrance est sainte,
que la pauvreté est une preuve de piété.
Je refuse de romantiser la survie.
Je choisis la douceur — non par paresse, mais parce que j’en ai fini
avec les systèmes qui glorifient l’épuisement tout en accaparant le pouvoir.

Je ne sers pas l’argent. Il me sert.
Il porte mes rêves au-delà des frontières, finance ma résistance,
nourrit mes enfants et mon peuple.
Il amplifie ma voix dans des salles construites pour me faire taire.

Je ne poursuis pas la richesse pour dominer. Je la poursuis pour déranger.
Pour contrebalancer l’influence de ceux
qui l’ont utilisée pour empoisonner la terre et contrôler nos corps.
Je construis pour pouvoir donner. Je m’élève pour pouvoir tendre la main.
Ma prospérité n’est pas une fin. C’est un commencement.

Je choisis l’alignement ancestral.
Ma richesse ne reposera pas sur les dos brisés des autres.
Elle sera enracinée dans la réciprocité, la réparation et la mémoire.
Je porte les prières de femmes qui n’avaient rien mais donnaient tout.
Je leur rends hommage en refusant de rester petite.

Ce n’est pas du capitalisme.
Ce n’est pas de la charité.
C’est une reprise de pouvoir.

Mon abondance est une révolution tranquille.
Et elle commence par la croyance radicale
que je mérite plus.

L’éducation par l’humiliation : nouveau sport national des réseaux sociaux

Il y a une nouvelle mode qui s’installe tranquillement sur les réseaux sociaux.
Un nouveau type de pédagogie.
Pas celle de la bienveillance.
Pas celle de l’écoute. Non.
Une pédagogie par l’humiliation publique.

Je tombe dessus de plus en plus souvent.
Des parents qui filment leurs enfants, non pas pour garder une trace tendre d’un moment de vie… mais pour exposer leur vulnérabilité, pour tourner en dérision leurs erreurs, leurs larmes, leurs maladresses.

Il y a quelques semaines, je suis tombée sur une vidéo qui m’a laissé un goût amer. Une adolescente, le cœur en miettes après une rupture amoureuse, pleurait toutes les larmes de son corps. Et ses parents riaient. Plus elle pleurait, plus ils se moquaient. Plus elle craquait, plus ils filmaient. Puis ils ont mis la vidéo en ligne.
Offerte en pâture à nous tous.
Spectateurs involontaires.
Juges anonymes d’un moment qui n’aurait jamais dû sortir du salon familial.

J’imagine que leur intention était de lui faire comprendre que ses études passaient avant un garçon. Que son avenir valait mieux que ses larmes d’adolescente amoureuse.
Mais pourquoi fallait-il que le monde entier assiste à la leçon ? Pourquoi fallait-il que l’intimité devienne spectacle ?

La semaine dernière, c’était une autre scène.
Un autre décor.
Un autre enfant livré à la vindicte numérique.

Une mère africaine, en France, criait sur son fils de 12 ans. Le garçon s’était excusé auprès d’un ami après que sa mère ait crié sur lui. Et ses mots résonnaient douloureusement :
“Désolé, ma mère est africaine.”
Derrière cette phrase, il y avait toute la complexité d’un enfant qui grandit entre deux mondes, entre deux appartenances, entre deux systèmes de valeurs.
Au lieu de prendre le temps de parler avec lui, de l’aider à apprivoiser ses racines, à comprendre qu’on peut être africain sans hurler, qu’on peut être français sans renier ses origines, la scène est devenue virale.

Et aujourd’hui encore, une nouvelle vidéo.
Une maman qui gronde sa petite fille de 6 ans parce qu’elle a découpé sa robe avec des ciseaux.

Et je me suis posé cette question toute simple :
Mais pourquoi nous montrer ça ?
Quel enfant de 6 ans n’a jamais fait une bêtise pareille ? Quel est le but, sinon exposer un moment banal, sans aucun intérêt public, sinon celui de nourrir l’algorithme ?

Je ne parle pas ici de parentalité parfaite. Qui suis-je pour juger ?
Nous perdons tous patience. Nous avons tous nos limites.
Mais il y a une différence majeure entre poser des limites à son enfant… et en faire un spectacle pour les réseaux.

Parce que ce que beaucoup oublient (ou ne veulent pas voir) c’est que qu’Internet ne pardonne pas.
Internet ne gomme pas.
Internet n’oublie jamais.

Ces vidéos, une fois publiées, ne vous appartiennent plus. Elles peuvent devenir des mèmes. Des moqueries. Des stigmates numériques qui poursuivront ces enfants bien plus longtemps que leur crise de larmes ou leur bêtise passagère.

Dans un monde où l’intelligence artificielle est capable de tout recycler, de tout déformer, de tout réutiliser… faut-il vraiment exposer nos enfants ainsi ? Les inscrire à leur insu dans une mémoire collective qui ne leur laissera aucun droit à l’oubli ?

J’aime rire. J’aime l’autodérision. J’aime la légèreté.

Mais pas à n’importe quel prix.

Pas au prix de l’intimité.
Pas au prix de la dignité.
Pas au prix de nos enfants.

Les réseaux sociaux ne sont plus les espaces éphémères qu’ils étaient il y a vingt ans. Ce que nous publions aujourd’hui restera. Visible. Retrouvable. Exploitable.

Alors je pose la question :
Dans quel monde numérique voulons-nous habiter ?
Quelle trace voulons-nous laisser de notre rôle de parents ?
Quel héritage digital construisons-nous ?

Parce que je suis convaincue d’une chose :

L’amour n’a pas besoin de spectateurs.
Le respect n’a pas besoin de témoins.
Et les plus belles leçons qu’on offre à nos enfants sont souvent celles que personne ne verra jamais.

Quand le corps vote avant le cerveau

Il y a quelque chose dans la danse qui court-circuite la raison.
Vraiment.

La logique se retire discrètement.
La cohérence s’efface, pieds nus.
Et nous voilà, à taper dans nos mains, fascinés par deux épaules qui bougent et un sourire qui flotte.

Je regardais une vidéo de Brice Oligui Nguema, président de la transition au Gabon, en pleine démonstration de “pas de campagne”. Pas une chorégraphie, non. Un mouvement d’épaule désinvolte, un petit jeu de jambes de ceux qui savent que, pour l’instant, le pouvoir est dans la poche (Ironiquement, il dansait sur “the power” de Snap).
La foule exulte.
Les portables s’agitent.
Le message passe. Sans un mot.

Et comme souvent, une idée m’a traversée : mais depuis quand faut-il savoir danser pour gouverner ?

Danse, politique et petits pas calculés

Il n’est pas le seul.
Quelques semaines auparavant, Tidjane Thiam, l’ex-banquier devenu candidat en Côte d’Ivoire, se laisse entraîner sur une scène, sourire un peu crispé, pas hésitant. Il bouge comme on bouge quand on a trop étudié pour oser se lâcher. Mais la foule adore. Elle ne demande pas une salsa. Juste un signe. Une preuve qu’il est , avec eux.

Et on le sait : on ne vote pas seulement avec des idées.
On vote avec le ventre.
Et parfois, un pas de danse suffit à faire croire qu’on a trouvé quelqu’un qui nous ressemble.

Obama l’avait compris. Un couplet de soul, un lancer de ballon de basket, et le tour était joué.
Macron mixe à l’Élysée comme s’il était à Ibiza.
Zelensky dansait sur des plateaux télé avant de devenir président de guerre.
Même Trump, dont les “mouvements” évoquent une playlist bloquée sur le refrain, a compris que faire rire, c’est déjà captiver.

Et Kamala Harris, elle ?
Impeccable. Maîtrisée. Inattaquable.
Mais peut-être… un peu trop figée.

Et si elle avait dansé ?

Est-ce que quelques pas bien placés auraient changé sa trajectoire ?
Probablement pas.

Mais elle aurait peut-être été ressentie.
Dans ce monde saturé de discours, ce sont les gestes qui marquent.
La politique est une affaire de perception. Et la perception commence dans le corps.

Mais soyons lucides.
Kamala n’est pas n’importe qui.
C’est une femme.
Noire, qui plus est.
Et ça, ça change tout.

Parce que quand un homme blanc se dandine, c’est mignon, c’est humain.
Quand une femme noire bouge, c’est “trop”.
Trop sexy. Trop légère. Trop tout.
Si elle danse, elle n’est pas sérieuse.
Si elle ne danse pas, elle est froide. Fermée. Arrogante.

Danser en étant noire, c’est autre chose

Je suis Africaine. J’ai grandi dans ce double regard.
Celui qui attend de nous qu’on soit toujours dans le rythme, toujours “solaires”, toujours “vibrantes”.
On nous associe à la musique, au mouvement, à la fête.
Mais rarement à la stratégie, à la réflexion, à la complexité.

Comme si nos corps étaient faits pour danser, pas pour penser.

La vérité, c’est que la joie, lorsqu’elle a la couleur de ma peau, a toujours été politique.
Nos chants, nos danses, nos rituels , tout ce qui nous a permis de tenir debout, ont été soit interdits, soit tournés en spectacle.
Nos sourires sont récupérés pour les campagnes, nos déhanchés pour les vues.
Mais ce qu’on vit vraiment ? Invisible.

Et pourtant, on continue à danser.
Parce que c’est parfois notre seule langue.
Notre seul territoire.
Notre seule réponse.

Et maintenant ?

L’ironie, c’est que les Afro-Américain·es ont massivement voté pour Kamala en 2024.
Et aujourd’hui ? Beaucoup ont décidé de rester chez eux.
Fatigués d’être loyaux, fatigués d’être invisibles.
Alors ils se reposent.
Et apprennent le line dancing.
Parce que si le système ne change pas, au moins la chorégraphie évolue.

Danser ne sauvera personne. Mais…

Non, danser ne répare pas une démocratie bancale.
Ça ne fait pas reculer le racisme.
Ça ne paye pas les factures.

Mais danser rappelle qu’on est encore en vie.
Que nos corps nous appartiennent.
Et qu’on peut encore ressentir, même brièvement, dans un monde qui nous assomme.

Alors non, la danse ne mènera pas la révolution.
Mais elle pourrait bien nous aider à traverser l’attente.

Et entre de bonnes mains (ou de bonnes hanches) elle pourrait même nous faire croire, l’espace d’un battement, qu’un autre souffle est possible.

Quand le pouvoir ne se chuchote plus

Je l’ai vu entrer, sans frapper.
Bruyant. Sûr de lui.
Trop sûr, parfois violent.
Le pouvoir.
Je me suis tenue en retrait.
Il n’avait ni mon odeur,
ni mes silences,
ni mes tremblements.

Il ne me parlait pas.
Il parlait fort.

Et puis j’ai compris.
Que peut-être,
le pouvoir aussi peut être fatigue.
Peut être calme.
Peut être une femme qui berce un enfant
tout en réparant un monde.

J’ai vu ce qui arrive
quand une femme comme moi
cesse de demander s’il y a de la place pour elle.
Quand elle ne s’excuse plus de vouloir.
Quand elle dit les choses
et les fait.

Le pouvoir, ce n’est pas un grand mot.
C’est une manière d’habiter sa vie.
De ne plus jouer à la transparence.
C’est le regard de mes fils
quand ils voient en moi une liberté
qui leur ressemble un peu.

Je ne performe pas le pouvoir.
Je le respire. Je le tisse dans mes gestes simples.
Dans mes refus clairs.
Dans mes « oui » sans détour.
Dans ma marche, même quand j’ai peur.

Je ne dois rien à ceux qui m’auraient voulu plus docile.
Je ne dois pas de merci
pour avoir survécu à ce qui m’a brisée.

Je me dois le ciel,
et l’espace pour gronder si besoin.

Parce que ce que je porte là,
ce n’est pas de l’ambition.
C’est un fil ancien.
C’est une mémoire debout.
Un héritage qui marche à mes côtés.

Et maintenant,
je marche comme si cette terre m’était promise.
Parce qu’en vrai,
elle l’est.

Écrire à nouveau- La lumière au bout du tunnel

Cela fait trois ans que je n'avais pas écrit.

Trois ans que les mots me fuyaient, ou que c’est moi qui les fuyais. Trois ans que l’écriture, jadis mon refuge, mon feu sacré, m’était devenue étrangère.

Je ne savais pas comment dire ce que je vivais.
Je ne savais même pas si j'avais encore quelque chose à dire.
Tout était flou. Dense. Silencieux.

Je sentais que j’étais brisée, sans pouvoir nommer la faille.
Il n’ya pas eu de grand fracas. Pas de chute spectaculaire.
C’était une sorte d’effritement. Doux. Continu. Lent.
Comme si, chaque jour, un minuscule morceau de moi s’éloignait.
Et je regardais cela se produire, impuissante.

Je me suis sentie loin de tout. Loin de mes proches, de ma foi, de mes désirs.
Même ma spiritualité s’est tue.
Ce lien invisible et vital qui m’avait toujours soutenue s’était relâché.
Je ne voyais plus la lumière dans mes rituels. Je ne sentais plus la présence.
Je n'avais plus la force d'attendre un signe. Alors j’ai laissé tomber.

Ce que j’ai vécu pendant ces trois années, je ne pourrais le résumer qu’ainsi :
J’étais vivante, mais en veille.
Présente, mais absente.
Je me levais. Je travaillais. Je souriais parfois.
Mais l’essentiel… s’était mis sur pause.

Et puis un jour, la vie a tranché.
Elle m’a obligée à bouger. À sortir de cette torpeur.
J’ai dû quitter la Tunisie, terre de tempête intérieure, pour recommencer ailleurs.
La France.
Un déracinement. Un passage.

Mais comme souvent avec les mouvements forcés, quelque chose s’est ouvert.
Pas brusquement.
Pas comme une révélation.

Plutôt comme un frisson. Un murmure.
Une envie ténue, presque timide.

J’ai eu envie d’écrire.

Je n’étais pas encore guérie.
Mais j’ai su que j’étais en train de guérir.
Et cela m’a suffi.

Ce désir d’écriture, si fragile, si incertain, était ma boussole retrouvée.
Je n’avais pas encore les mots. Mais j’avais l’élan.
Et cela, je l’ai reconnu comme un cadeau. Un passage. Un souffle revenu.

Aujourd’hui encore, je ne me sens pas entièrement bien.
Mais je ne suis plus au même endroit.
Je suis au seuil d’une nouvelle page.
Et ce seuil, je choisis de l’habiter. Lentement. Consciencieusement.

Je suis en train de muer.
De laisser derrière moi des couches, des masques, des peurs.
De faire de la place pour ce que je deviens.

Écrire à nouveau, c’est faire alliance avec cette nouvelle version de moi-même.
C’est honorer le chemin, même flou.
C’est me dire que je n’ai pas besoin d’être entière pour créer.
Juste vivante. Présente. À l’écoute.

Alors voilà, je suis là. Je reviens.
Avec des mots simples. Un peu tremblants. Mais vrais.

Et toi, dis-moi…

Qu’es-tu en train de retrouver doucement ?
Qu’est-ce qui t’appelle à revenir à toi ?

Figée

Ce texte est le premier et le dernier essai que j'écris cette année. Ça fait plus de cinq ans que j'écris et partage avec constance mon parcours professionnel et personnel. Cependant, depuis l'année dernière, le 28 décembre, j'ai cessé d'écrire.

J'avais peut-être d'autres choses en tête. J'avais peut-être besoin d'une pause. 

La vérité est que, le 28 décembre 2021, mon père est décédé. 

Sur le moment, alors que je vivais la tristesse qu'il est (je suppose) appropriée de ressentir après un événement aussi déchirant, je me suis dit que j'allais bien. Vraiment, j'allais bien. Pendant les deux mois qui ont précédé son enterrement, je me suis occupée des préparatifs des funérailles. Puis, après cela, je me suis concentrée sur le travail. J'avais besoin de travailler, j'avais des projets que j'avais prévu de lancer, et je me suis dit que cet événement de la vie n'allait pas m'empêcher d'avancer. J'ai donc continué à avancer. 

J'ai fait face et me suis concentrée sur les urgences financières, professionnelles, familiales. Tant de feux à éteindre ! La vie continue, n'est-ce pas ?

Je me suis dit que je n'étais pas la première personne à vivre une telle perte. D'autres personnes sont passées par là et elles s'en sortent bien, donc je vais bien.

Je me suis dit que je n'avais pas besoin d'être trop triste, car selon mes croyances spirituelles, même s'il n'était pas physiquement présent, mon père était toujours proche, bien que sous une autre forme.

Je n'allais pas m'effondrer. Mon père n'aurait pas voulu que je m'effondre, il aurait voulu que j'aille de l'avant, que je continue, et c'est ce que j'ai fait. J'ai même dit une fois à une de mes amies que je n'avais pas le luxe de m'effondrer. Trop de choses autour de moi dépendaient du fait que je sois debout et que je bouge. Je devais soutenir ma mère, dont le monde venait d'être bouleversé. Je devais continuer à être une maman pour mes enfants qui avaient encore besoin de toute ma présence. J'avais une entreprise naissante qui nécessitait toute mon attention. J'avais des dettes qui devaient être remboursées. La vie n'allait pas m'attendre.

J'ai continué à travailler, j'ai continué à sortir, j'ai continué à rire, j'ai tout fait comme si mon père était encore là sur terre. 

Je suis même tentée de dire que j'ai continué à être heureuse. J'ai noué des liens plus forts avec ma mère et mon frère, et j'ai eu l'impression que ces connexions étaient le cadeau que mon père m'avait fait avant de partir.

Puis vint l'été, qui a débuté par une pause de deux semaines. Mon mari et mes enfants sont partis en voyage, et moi, j'ai pris le temps de m’occuper de moi tranquillement à la maison. J'ai cessé d'être présente sur tous les médias sociaux, j'ai ralenti le rythme de ma vie professionnelle. Je me suis dit que j'avais besoin de respirer un peu, et je l'ai fait. 

Puis, deux semaines sont devenues un mois. Un mois est devenu deux, puis trois. En octobre, la pause dont j'avais tant besoin s'était transformée en limbes et en un sentiment d'apathie dont je ne savais pas comment sortir. Pendant ma « pause », les choses ont commencé à m’échapper rapidement. Tout ce qui m'entourait était devenu urgent, mais je n'arrivais pas à trouver en moi la force de m'en soucier, ou de faire quelque chose. J'étais en retard partout, pour tout. Mes objectifs pour l’année n'allaient définitivement pas être atteints. 

Je me sentais vivante, mais pas en-vie. Les choses se passaient autour de moi, pour moi, mais pas avec moi. Je suivais le mouvement, sans y participer pleinement. Cette voix dans ma tête ne cessait de me dire " fais quelque chose, fais, fais, fais, bouge ! ". J'écoutais, mais je ne pouvais pas agir. J'ai également réalisé que je n'avais même pas la force d'écrire. J'avais beaucoup de choses à dire, mais je ne pouvais pas les mettre sur papier, comme je le fais habituellement.

Une autre voix me disait : " sois, sois simplement, sois qui tu veux être en ce moment ". J'étais plus encline à écouter cette voix. Cependant, écouter cette voix signifiait voir la vie telle que je la connaissais s'effondrer. Écouter cette voix signifiait rester figée, regarder la vie me passer sous le nez. Écouter cette voix semblait complètement contre-productif, cela allait à l'encontre de tout ce que j'avais appris. Comment pouvais-je rester figée ? Comment pouvais-je ne pas sortir de cet état ? Comment cela pouvait-il être plus confortable que d'être une participante active de ma vie ? 

Cet état d’être m'a également fait réfléchir à la notion de productivité, de performance et de gain. Le "faire". J'ai encore du mal à m'en dé-faire. Non pas parce que mon identité était uniquement basée sur mon travail (j'ai dépassé cette notion depuis un bout de temps), mais parce que je n'avais jamais expérimenté la vie sans la notion d'action, de faire. 

Jusqu'à présent, pour moi, vivre signifiait non seulement être, mais aussi faire. Quand je dis " faire ", je veux dire agir d'une manière qui demande un effort. Je devais faire un effort pour me sentir vivante. 

Le simple fait " d'être " impliquait de lâcher prise, de suivre mes instincts (qui me poussaient à dormir, manger, lire, regarder la télévision et rien d'autre). 

J'ai donc été amenée à envisager la vie uniquement comme un état d'être. Ne pas faire, ne pas avoir. 

Nous sommes surtout habitués à traverser la vie en faisant et en ayant, sans trop penser à juste être. 

Je trouve donc particulièrement intéressant que l'année où j'ai dû faire face à la mort de mon père, j'ai également dû faire l'expérience de la vie en tant qu’ « être » humain. Un humain qui est, et pas seulement un humain qui fait ou qui a. Contempler la vie comme un état d'être. Pas faire, pas avoir. 

J'ai toujours cru que de mon être (en honorant qui je suis en ce moment) découlerait mon faire (comment je me montre pour moi et pour les autres, ce que je donne) et mon avoir (ce que je reçois). 

Difficile de dissocier mon être, de mon faire, de mon avoir. 

La leçon est brutale et difficile. 

Alors que j'écris ces lignes et que nous approchons de la fin de l'année, je n'ai toujours pas les réponses à ces questions. Je n'ai aucun conseil, aucun mot d'encouragement, aucune leçon à partager. Je me bats toujours avec la partie " être " de la vie, et pas seulement avec la partie " faire ".

Alors pour la prochaine saison, je me souhaite l'énergie de la vie. Je souhaite d'avoir une bonne santé, et j'espère pour nous tous, la lumière au bout du tunnel.

L'appel du baobab

Je me suis réveillée il y à plusieurs semaines aux sons de l’appel du baobab. 

J’ai ressenti l’appel des plantes enseignantes et des herbes guérisseuses.

J’ai ressenti une partie de moi s’éveiller, des connections se faire, des connaissances remonter à la surface. 

Je me suis réveillée avec la conviction que je savais, et qu’il était temps de faire un pas de plus vers cette partie de moi. 

Alors hier, j’ai commencé le travail. 

J’ai eu l’impression de retrouver de vieux amis. 

Chaque fois que le nom d’une plante me parvenait à l’oreille, il y’avait comme un souvenir qui remontait de très loin, du plus profond de moi. 

Je retrouvais les bienfaits de chaque plante, comme lorsqu’on retrouve les bras d’un ancient amant. 

Une certaine nostalgie. 

Cette sensation qu’on a connu la personne à une époque, mais qu’on doit faire connaissance avec ce que cette personne est devenue au fil du temps. 

Je suis en terrain connu, mais en même temps l’expérience me semble nouvelle. 

J’ai conscience de manière très aiguë que le passé, le présent et le futur ne font qu’un en ce moment. 

Je suis pleine de gratitude pour la vie antérieure pendant laquelle je n’ai fait qu’un avec ces plantes, et je remercie mon incarnation actuelle d’avoir intégré ce savoir dans ma présente expérience.