Désapprendre ne suffit pas.
Une fois la croyance démontée, le vide s’installe. Et dans ce vide, le cerveau cherche un nouvel appui. Une nouvelle vérité. Un nouveau mythe capable de tenir le chaos.
Car oui, le chaos existe.
Perdre un parent. Ne plus avoir de revenu. Porter seul le poids de toute une famille. Ne pas savoir si demain sera vivable.
Je ne peux pas nier que ces expériences m’ont abîmée. Elles ont fracturé mes repères. Elles ont planté des graines d’anxiété dans les interstices de mon quotidien. Elles ont eu des conséquences très concrètes. Très matérielles. Très dures.
C’est pourquoi il est difficile, presque violent, de chercher un sens à tout cela.
Mais je sens pourtant, dans ma chair, que je ne peux pas rester suspendue dans le vide. Je ne veux plus me raccrocher à des dogmes. Mais j’ai besoin d’un langage. D’une boussole. D’un socle intérieur.
Alors je tente autre chose.
Je ne dis plus : qu’est-ce que cette épreuve veut m’enseigner ?
Je me demande : qu’est-ce qu’elle vient révéler ?
Quelle partie de moi cherche à émerger, malgré la douleur ?
Quelle porte cette crise m’oblige à regarder en face ?
Je me suis longtemps sentie coincée entre deux extrêmes :
d’un côté, le fatalisme religieux qui voit dans chaque douleur une volonté divine
de l’autre, la pensée magique qui transforme tout en opportunité avec un sourire forcé
Moi, je cherche l’espace du milieu.
Celui où l’on reconnaît la brutalité de l’expérience, tout en refusant d’en faire le cœur de notre identité.
Je crois qu’il est possible de construire une spiritualité qui ne soit ni soumission, ni déni.
Une spiritualité d’écoute.
Une spiritualité de ré-ancrage.
Ce que j’appelle spiritual re-engineering, ce n’est pas un nouveau système de croyance.
C’est une ingénierie intérieure.
Un réagencement de mes propres fondations.
Je crée un espace mental et spirituel où les difficultés ne sont plus des sanctions, ni des tests, mais des miroirs.
Elles me montrent là où ça coince. Là où je suis encore en attente. Là où j’ai besoin d’aide, de soutien, de changement.
Parfois, elles me montrent que je ne peux pas continuer comme avant.
Et dans cet effondrement, elles ouvrent la possibilité d’autre chose. Une version de moi moins dans le contrôle, plus dans l’accueil. Une version de moi qui ose demander. Qui ose dire j’ai besoin de douceur. J’ai besoin d’aide. J’ai besoin de repos.
Je ne sais pas si c’est Dieu qui m’envoie ces épreuves.
Mais je sais que je ne veux plus vivre dans une spiritualité qui m’empêche de pleurer, de crier, ou de douter.
Aujourd’hui, je cherche des appuis plus tendres.
Des rituels simples.
Des phrases qui apaisent.
Des présences qui élèvent.
Je m’autorise à reconstruire ma foi comme on répare une maison ancienne : en gardant ce qui tient debout, en remplaçant ce qui s’effondre, en laissant entrer plus de lumière.
Et peut-être que c’est ça, reprogrammer le spirituel :
refuser les narratifs hérités,
inventer les miens,
et oser croire que Dieu peut aussi s’écrire en moi.